Interview : Isabelle Servant – L’Orientation Positive ou : « Aider chacun à trouver sa voie autrement »

Route sinueuse vue du ciel et boussole dans une main, symbolisant la recherche de sens et la création de sa propre voie — illustration de l’interview d’Isabelle Servant sur l’Orientation Positive.
“Trouver sa voie, ce n’est pas la suivre : c’est la créer.” — Isabelle Servant

Aujourd’hui, sur ApprentiBoss, je reçois Isabelle Servant, fondatrice du concept d’Orientation Positive, formatrice, conférencière et auteure engagée pour une éducation plus humaine et plus consciente.
Ancienne enseignante, elle consacre aujourd’hui son énergie à accompagner les jeunes, les parents et les équipes éducatives vers une autre façon de s’orienter : à partir de soi, de ses forces et de son sens.
Dans cet échange, nous parlons de confiance, d’école, et de cette idée forte qu’il existe mille chemins pour se construire… à condition d’oser être soi.

Isabelle, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui vous a amené à créer ce concept d’orientation positive ?

Je pense que c’est en fait l’amour, l’amour de chacun. j’ai trouvé que le système globalement, n’accompagnait pas chacun à pouvoir exprimer qui il est, notamment professionnellement. À exprimer son potentiel unique.

Pour moi, la première richesse de chacun c’est d’être unique.

Et en fait, le système ne permet pas vraiment d’accompagner chacun à explorer et exprimer son potentiel unique au bénéfice de tous.

Pour aller un peu plus loin par rapport à ce que vous venez de dire, d’après vous, qu’est-ce qui ne fonctionne plus dans les approches classiques de l’orientation ?

Il y a beaucoup de choses, en fait.

Parce que nous, en orientation positive, la première démarche (le point le plus important) c’est la connaissance de soi.

De manière traditionnelle à l’école, la façon d’accompagner les jeunes, c’est plutôt de leur présenter les formes extérieures – donc les métiers, les filières, les formations – et de demander : “ Est-ce que ça te plait ?”

Alors c’est chouette, mais c’est juste une partie. Nous, on commence déjà par l’intérieur: “ qui es-tu vraiment ?”  pour aller chercher après les meilleures formes à l’extérieur.

Pourquoi ça ne se fait pas ? Juste parce que les enseignants ne sont pas formés en fait sur cette connaissance de soi. Il y a très peu de moyens pour accomplir, accompagner l’orientation. C’est la présentation des formes extérieures et après, il y a plutôt globalement dans les démarches traditionnelles, l’utilisation de tests d’orientation, de connaissance de soi, mais qui sont d’après moi, une orientation passive. Dans le sens où on va répondre à des questions comme ça, et puis le test va nous dire qui on est, quel métier nous correspond.

En orientation positive, en fait, on essaie d’aider la personne à se connecter à elle pour trouver ses propres réponses. Elle n’est pas passive dans son processus, elle est active.

Et puis, je dirais en troisième point peut-être la pression globale actuellement de la réussite au regard de la société, de la famille, des autres, au détriment d’une quête de qui on est vraiment et d’expression de soi.

En départ de vie, on a besoin d’être aimé. Globalement, l’être humain a besoin d’être aimé.

Et il va faire beaucoup de choses pour s’adapter, et être aimé et réussir, au regard de plein d’autres choses que de lui-même.

Et puis, à un moment, avec l’âge, l’être va souvent avoir envie de dire : “mais en fait je suis, j’existe. Qui je suis ? Qu’est-ce que j’ai envie moi et comment j’ai envie d’exprimer ça ?”.

Mais le système n’est pas organisé comme ça.

La richesse de chacun, c’est sa différence. Chaque être est unique et pourtant notre système scolaire en France est complètement uniforme. On apprend à chacun la même chose, au même rythme, au même âge. Et du coup. on n’est pas en train de valoriser cette singularité. On n’aide pas chacun à dire :

  • Qui es-tu toi ?
  • Qu’est-ce que tu aimes ?
  • Qu’est-ce qui te fait vibrer ?
  • Qu’est-ce que tu aimerais apporter à la société

Parce qu’un dernier point qui manque aussi, je trouve, et sur lequel j’insiste beaucoup en orientation positive, c’est la conscience collective et en fait la majorité des gens considèrent le travail comme une contrainte sociale. Il faut “gagner sa vie”. Et du coup ils ont une vision très négative du travail.

Et l’idée, c’est de ramener sur cette conscience que les autres travaillent pour nous, en fait, pour notre qualité de vie,  et de se dire moi en tant qu’être unique: “ qu’est-ce que j’ai envie d’apporter à la société ? Qu’est-ce que j’ai envie de changer, d’améliorer, d’apporter ?”

On a envie de faire évoluer les choses naturellement. Et ça peut être dans n’importe quel domaine.

Donc finalement, l’orientation positive, c’est aussi aider chacun à trouver son environnement dans lequel il va avoir envie de s’exprimer au bénéfice de tous et être payé pour ça !

C’est ça qui est génial, je trouve. C’est le travail, c’est ma contribution au monde et je suis payé-e pour ça. C’est trop bien.

Je trouve que c’est une approche qui est vraiment très positive dans ce que vous dites, parce qu’on n’est plus dans cette réussite et cette injonction à avoir des résultats, et tout ce qui amène aussi le découragement de ceux qui n’ont pas des bons résultats en classe, etc. Mais c’est vraiment qu’est-ce qu’on peut apporter, qu’est-ce qui nous fait vibrer, et du coup, à écouter votre approche, de ce que j’entends, elle conduit aussi à être épanoui-e dans son travail, parce qu’on trouve sa place, son environnement.

Et le problème, c’est ce que vous dites, j’ai l’impression, en filigrane aussi, que la société dit: “si vous faites ça, vous êtes des rêveurs, c’est pas réaliste.”

Sauf que ça conduit à beaucoup de mal-être et à plein de reconversions derrière aussi.

Oui, et ce qui me vient, ce qui est important de dire, c’est que quand on réussit à à l’école sur les critères classiques, on va plutôt avoir tendance à vouloir suivre la suite logique. Je suis bon en maths, je vais faire ingénieur, je suis bon ceci, je vais faire ça, sans vraiment savoir si c’est ce qui m’épanouit.

Et encore une fois, j’insiste beaucoup sur ça, d’ailleurs en orientation positive – c’est le premier exercice qu’on fait – “ Quelles sont tes formes d’intelligence dominante ?” pour redonner confiance.

Tu es conscient à quel point tu es intelligent, mais sous quelle forme ?

Et si tu n’as pas réussi à l’école, en fait, tu vas avoir une estime de toi beaucoup plus limitée et pourtant il y a mais une bonne quarantaine, cinquantaine de raisons, pour lesquelles tu peux ne pas réussir à l’école, et qui n’ont rien à voir avec le potentiel de chacun.

Mais vraiment, j’en suis profondément convaincue. Il y a vraiment un magnifique potentiel chez chacun. Et l’idée, c’est vraiment d’accompagner, d’aider l’autre à explorer ce potentiel, le valoriser, l’exprimer, ce potentiel unique.

Donc en fait, les principes clés de cette démarche, c’est vraiment de partir du potentiel de la personne pour aller vers le travail.

Il peut y avoir plusieurs pistes peut-être aussi en réponse qui lui correspondraient, c’est bien ça ?

Moi, j’en suis convaincue. C’est lui permettre d’exprimer sa nature profonde, effectivement, sachant qu’elle va évoluer au fur et à mesure, à mesure de sa vie, de ses besoins, de ses priorités.

Il y a plein de formes professionnelles qui sont adaptées à chacun.

Et c’est pour ça que je n’aime pas, même si je l’ai écrit dans mon premier livre ‘30 jours pour trouver ma voie et vivre mes rêves”, pour moi on ne trouve pas sa voie on la crée.

Et parce que trouver sa voie, en fait, c’est quelque chose de très restrictif, on a l’impression qu’il n’y a une voie qui nous correspond. Et donc ça met énormément de prix pour la trouver. Alors que finalement, si on se dit qu’on est en train de créer sa voie à ce moment – ce moment T – “ qu’est-ce que je choisis de faire, ? Vers où je veux aller ?” vous pouvez savoir. C’est juste l’endroit où je me sens bien, où je me sens moi.

Donc plutôt que de dire “je trouve ma voie” la question est plutôt “Où est-ce que je me sens bien ? Qu’est-ce que j’ai envie de faire maintenant ?”  Et peut-être que dans quelque temps, ça va évoluer, c’est juste normal, nous sommes des êtres d’évolution.

Mais si on le fait avec la joie, avec le cœur, avec l’envie, ça se fait assez naturellement. Évidemment, il y a des risques, qui se prennent régulièrement, parce que la société n’est pas actuellement – en France en tout cas,  il y a d’autres cultures qui sont complètement dans ce que je dis, qui soutiennent mon propos, mais pas chez nous – ouverte à ça.

Donc pour accompagner effectivement ce réajustement permanent, dans notre vie, à différents moments, on veut faire des choses différentes, parce qu’on est quelque part une personne différente.

Donc votre approche, c’est quelque chose qu’on peut avoir à différents moments de sa vie où on se repose la question de l’orientation. Et je ne parle pas forcément d’être en 2025 – parce qu’il y en a encore qui ont des vocations depuis tout petit, qui vont faire ça toute leur vie -mais on voit bien que ce n’est plus le cas pour tout le monde.

Un thème qui me travaille aussi, c’est qu’on peut avoir plusieurs reconversions dans une vie, et j’ai l’impression que votre approche, elle s’intègre très bien par rapport à ça, justement, qu’elle part de la personne qui évolue, comme vous l’avez rappelé.

Oui, et même au-delà de ça, on a des facettes différentes dans notre personnalité.

Donc on peut avoir envie de faire plusieurs choses en parallèle pour nourrir notre personnalité, ou de les combiner, pour faire un projet unique.

Vous en êtes la preuve.

 Oui, moi j’en suis la preuve. Je l’incarne vraiment, c’est vrai.

Mais dans l’idée, là, il y a des gens effectivement qui savent depuis très très jeune qu’ils veulent faire quelque chose mais même si cette forme-là, elle va évoluer en fait. Ca ne va pas être sous la même forme exactement.

Même si c’est par exemple écrire, il va y avoir des domaines d’exploration, des styles qui vont se modifier, des questions existentielles qui vont se poser au fur et à mesure.

Donc, il y a une énergie qui s’appelle écrire ou transmettre. Et puis, elle va prendre plein de formes différentes en fait. Mais c’est intéressant de se connecter à ça, c’est un des exercices d’orientation positive qui est : « Quelles sont tes énergies ? Est-ce que toi tu aimes créer, explorer, découvrir, prendre soin, fédérer, relier, nourrir, embellir … ? »

Mais c’est une multitude, on n’est pas qu’une chose en fait, et l’important, c’est déjà de rentrer à « l’intérieur » de savoir qui on est, et pas ce que les autres veulent qu’on soit.

Et par rapport à votre concept d’orientation positive, quel est le public que vous accompagnez ? Est-ce plutôt des jeunes, des personnes en reconversion, ou même des personnes déjà venues vous voir et qui reviennent quelques années plus tard, après avoir évolué ?

Tout est possible, en fait. L’orientation positive — je précise — ne vient pas de l’opposition entre “positif” et “négatif”. Ce mot s’est imposé naturellement, même si on ne l’avait pas encore explicité.

Le mot positif vient de ce qu’on appelle la psychologie positive.  Et la plupart des gens ne savent pas ce que c’est. En fait, c’est l’étude scientifique des personnes les plus heureuses et de ce qui marche.

Donc, la psychologie traditionnelle, elle part du problème : stress, burn-out, anxiété, mal-être, et elle essaie de trouver des solutions.

Il y a un peu plus de 25 ans, les chercheurs se sont dit qu’on pourrait aussi partir des gens qui vont bien, des gens qui sont heureux, des gens qui sont épanouis et se dire « qu’est-ce qu’ils ont en commun ? »

J’ai donc combiné ces recherches scientifiques avec l’état d’esprit des personnes épanouies, celles qui réussissent dans leurs choix d’orientation.

S’orienter, c’est faire des choix. S’orienter, c’est parmi les possibilités, je fais des choix. Et donc, c’est faire des choix pour être plus heureux, plus en accord avec soi.

Et ce que nous dit la psychologie positive ? C’est que les personnes les plus épanouies professionnellement, elles comprennent trois éléments, qu’elles en soient conscientes ou pas.

Donc, elles s’appuient sur leurs forces, leurs atouts et leurs points forts, leurs ressources personnelles. Et on en a tous, elles sont différentes pour chacun.

Et puis, elles font aussi quelque chose d’essentiel – deuxième pilier : le plaisir et la joie. Elles choisissent une activité qu’elles aiment, parfois qu’elles adorent, et qui leur donne de l’énergie. La joie nourrit le plaisir, et le plaisir redonne de l’énergie.

Et – dernier pointelles font quelque chose qui fait sens pour elles, c’est-à-dire qu’elles ont mis en priorité d’avoir un travail en accord avec leurs valeurs.

Un travail en accord avec leurs envies, leurs valeurs, leur points forts, c’est leur contribution au monde.

Notre méthodologie en orientation positive consiste à aider chacun à explorer ses points forts, à identifier ce qui le met en joie, ce qui lui procure du plaisir, et ce qui donne du sens à son parcours.

Donc, le faire une fois est déjà vraiment très chouette parce que on passe sous un angle par lequel on ne s’est jamais exploré. Et après ça nous donne – grâce à l’intelligence artificielle derrière, quand on a collecté les bonnes données – de vraiment bonnes pistes professionnelles qui sont ultra personnelles pour chacun. Et après, on choisit.

Vous arrivez toujours à trouver des pistes professionnelles où il y a un avenir, où on peut trouver du travail, où est-ce que des fois ça échoue ?

C’est une grande question existentielle, et en fait moi j’aime bien dire parce que souvent c’est quand on est un artiste on ya vous dire « il n’y a pas beaucoup de débouchés. » , mais il y a une jolie phrase que j’ai trouvé il n’y a pas si longtemps qui dit : « Il n’est pas facile d’être un artiste, mais il est encore plus difficile d’être un banquier quand on est un artiste. »

Je crois qu’il faut respecter sa nature profonde. Et il y a des fois, peut-être, où il faudra faire des compromis pendant un certain temps, c’est-à-dire peut-être en parallèle trouver un métier alimentaire ou de l’intérim pour nous permettre de faire des choses en étant en sécurité financière.

Mais pour ma part, je pense qu’il est important de ne jamais s’oublier, de ne jamais oublier sa nature profonde et de pouvoir l’exprimer, soit dans son travail – c’est mieux parce qu’on est payé pour ça – soit en dehors de son travail. Mais en tout cas, être vraiment connecté à soi.

Pour le coup, moi j’ai l’impression, plus j’avance, que finalement cette exploration du potentiel de chacun à travers des exercices très concrets, très pratiques, des questions ou des exercices, voilà, qui donne des possibilités, finalement, c’est presque un prétexte pour se reconnecter à soi et s’autoriser en fait à être son héros.

Vous rencontrez certaines difficultés avec vos élèves ? Je pense notamment – vu que vous partez d’eux – il y a peut-être des personnes qui manquent énormément de confiance en elles et quand on leur demande leur talent, elles ne savent pas quoi dire, en quoi elles sont fortes, elles ne savent pas quoi dire parce qu’elles ont eu des injonctions, des retours de l’école, de l’entourage, comme quoi ils ou elles étaient en fait des « bons à rien ».

En fait, effectivement, le premier pilier en orientation positive dans le pôle force, ce n’est pas des exercices où on peut ne pas trouver.

Parce que les intelligences, par exemple, moi je commence toujours par les formes d’intelligence dominante.

J’ai un peu changé cet exercice mais du coup maintenant il y en a 12 pour moi il peut y en avoir de plus mais les forces on en a tous, déjà, il faut savoir. Mais on a des dominantes. Donc, il n’y a jamais de mauvaise réponse. Juste : je me reconnecte à qui je suis.

On a aussi un exercice qui s’appelle « les verbes d’action » qui fait travailler sur « quelle est ma nature profonde ? comment elle s’exprime ? «  Et il y a jamais de mise en difficulté dans les exercices. Donc, en fait, c’est l’estime de soi, vous avez totalement raison qui a besoin d’être construite dès le départ.

Elle n’est pas forcément une science parce que c’est tout un état d’esprit, tout un système de croyances et de conditionnements, mais vous le savez, il y a toujours des personnes qu’on peut rencontrer sur notre chemin, qui peuvent porter sur nous un tel regard qu’on peut commencer à évoluer.

Après, ce qui est plus freinant, au-delà d’aider la personne, le jeune, l’adulte à se reconnecter à lui, à son potentiel, c’est plus pour les jeunes les non-autorisations des parents, ou les peurs des parents, ou les peurs sociétales qui font que « j’ai le droit »/ « je n’ai pas le droit », « C’est possible » / « ce n’est pas possible. »

Et là, il y a une limite pour nous dans l’accompagnement.

Mais la personne qui est accompagnée a quand même entendu ça. Est-ce qu’elle va pouvoir l’exprimer maintenant ? Peut-être que ça se fera plus tard, parce qu’après il y a tout un travail.

Alors nous on travaille sur l’état d’esprit.

Le travail c’est aussi d’aider l’autre à passer de «passager » de sa vie – c’est-à-dire qu’il attend que les autres fassent pour lui et le guide, lui disent quoi faire –  à devenir « conducteur » de sa vie, c’est-à-dire créateur, à reprendre la posture symboliquement de conducteur, pour pouvoir faire ses propres choix.

Mais oui, forcément, il y a plein de freins. Ce n’est pas une baguette magique, jamais.

Mais c’est un processus qui me paraît indispensable pour aider chacun à reprendre la main sur sa vie. Parce qu’il peut y avoir plein de peurs aussi.

Il y a des choses qu’on ne s’autorise pas pendant très très longtemps desfois.

Ça peut faire peur aussi si on n’a jamais eu de reconversion, de faire une première reconversion à 30 ans, 40 ans, 50 ans, On peut avoir des envies et se dire, « oui, mais physiquement …», ou « ma famille, ça ne va pas pouvoir suivre. », « ça ne va pas pouvoir plaire. »,  « je ne te reconnais plus. »

Je le sais. Je vous parle de mon histoire personnelle, j’étais professeure de l’éducation nationale. Et à l’époque j’étais en disponibilité depuis longtemps parce que j’avais un parcours quand même très atypique. Et on m’a proposé un poste à l’université dans l’enseignement supérieur où j’aurais pu redevenir fonctionnaire. Et donc, voilà, en sécurité totale.

J’ai démissionné de l’éducation nationale, refusé ce poste à l’université et j’ai été très très critiquée. Mes proches ne comprenaient pas pourquoi je faisais ces choix-là. Et sur de nombreux choix, j’ai été très critiquée.

Mais je me suis dit : « C’est pour moi que je le fais, en fait. C’est ma vie. Moi, je veux être en paix avec moi-même. »

Et du coup, de temps en temps, il y a des risques à prendre. Pour moi, c’est évident, de toute façon. La vie n’est faite que de réajustements et on doit régulièrement se poser la question de qui on est, ce qu’on veut, quelles sont nos priorités, et c’est OK que nos priorités ça puisse être pendant quelque temps notre famille ou la sécurité. Mais ça c’est temporaire.

Après, il y a un moment où on a besoin d’expérimenter qui on est. Sinon pour moi le corps va l’exprimer : la tête, la cheville, les pieds…Chacun a sa propre idée qui va s’éteindre en nous, et qui a besoin d’être allumée, rallumée.

Et si on se sent seul sur ce chemin – ce qui est juste effrayant, je comprends complètement, parce qu’on n’a jamais appris – dans ce cas-là, il faut se faire aider par quelqu’un qui peut vous soutenir.

Alors ça peut être aussi demander l’aide d’un proche qu’on aime et qui est très créateur déjà très conducteur de sa vie pour être soutenu. Mais maintenant après il y a un lien de proximité qui, des fois, peut être ambigu, alors qu’un professionnel est plus neutre.

Et quels seraient pour vous les signaux qui montrent qu’il est temps peut-être de se reconvertir éventuellement et qu’on est prêt à se réaligner ?

C’est une question compliquée en fait, dans le sens où en général les gens ont peur du changement globalement.

Donc il y a deux choses qui les fait bouger : soit la souffrance – c’est trop douloureux ou le corps ou une crise ou une maladie – qui est un véritable déclic. Donc, c’est « Pourquoi tout ça ? » Il y a une crise existentielle et il y a besoin d’un changement. Soit il y a des personnes inspirantes autour de soi, qui vont nous donner envie et où on retrouve l’envie.

Pour moi, il y a plein de clés qui peuvent fermer. Souvent, globalement, les gens changent, non pas forcément que sur leur envie, mais sur le rejet de la souffrance.

Est-ce que vous auriez un conseil concret à donner à quelqu’un qui voudrait amorcer ce changement ?

Alors moi actuellement, plus j’avance, plus je crois qu’‘il y a quatre étapes. C’est :

  • d’apprendre à s’écouter
  • et se faire confiance.
  • s’autoriser
  • et oser.

Pour moi, c’est les quatre étapes fondamentales du processus, parce que je crois que fondamentalement, on sait souvent qui on est, ce qu’on veut, ce qui est important pour nous.

Dans le parcours notamment des adultes on commence par ça. Avant de faire des exercices. Noter tout ce qui l’anime, tout ce qu’elle est, de le noter, et de le sortir à l’extérieur sur une liste déjà.  Noter tout ce qui fait vibrer la personne, tout ce qui est important pour elle, pour qu’elle le sorte d’elle et qu’elle puisse le voir, et après tout ce qui l’anime. Qu’elle observe en fait ce qui lui donne de l’énergie, ce qui l’anime, l’endroit où elle ne voit plus le temps passer, se sent tellement absorbée là-dedans et après éventuellement faire appel à quelqu’un pour l’aider.

Parce que tout seul, c’est souvent très, très difficile. Ça peut être difficile quand on n’a pas l’habitude, encore une fois. Quand on a l’habitude d’être créateur de sa vie, c’est une démarche assez normale de faire cette introspection et puis de mettre en place, d’être dans l’action et d’accepter l’erreur et l’échec.

On a dit tout à l’heure aussi – je rebondis là-dessus – quels sont les freins pour se trouver, etc. C’est qu’en fait, on a une vision de l’orientation qui nous freine beaucoup ! Les gens veulent être sûrs que c’est leur voie et qu’ils vont réussir là-dedans.

Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne du tout. On essaye, on met plein de choses en action pour vérifier que c’est – entre guillemets – le domaine, la voie, le métier qui nous correspond, mais il y a plein de choses à mettre en place avant de s’engager définitivement

Mais après, on n’est jamais sûr, en fait. On peut juste se donner les moyens de ses ambitions et avancer, donner tout le meilleur de soi-même, mais forcément sur le chemin, il y a plein de plantades, il y a plein de difficultés, toutes les personnes qui créent de belles choses et qui créent une belle vie. On fait face à plein de difficultés en fait, et on est sans arrêt en train d’essayer de dépasser cette difficulté, de réajuster vers quelque chose de plus joyeux.

Alors il y a plein de moments de joie, mais il y a plein aussi de moments où ça ne fonctionne pas et on apprend pourquoi ça ne fonctionne pas. Donc l’erreur n’est pas vraiment une erreur en tant que telle, telle qu’on la voit – même si c’est plus facile des fois à dire qu’à faire – mais c’est une expérience. Et on n’apprend pas de nos expériences en général, on les subit.

Oui, justement, pour rebondir là-dessus. Le souci, c’est qu’il y a quand même un certain nombre de personnes qui restent dans une zone de confort, je trouve, même si elle n’est pas bonne pour eux et qu’ils en sont malheureux.

Et après, il y a aussi tout le regard de la société, quand on est face à un recruteur, qu’on doit donner un sens à un parcours, où tout n’est pas dans le même domaine, au même endroit, il y a un regard qui peut être très négatif du recruteur et que ressentent les candidats aussi, qui fait que même s’ils ne sont pas bien dans un travail, au moins ils ont de l’expérience, c’est accepté par la société, c’est plus simple que de changer, changer encore.

On sait que les petits ils ne vont pas marcher en cinq minutes mais par contre dans le travail c’est à l’inverse, on a l’impression qu’il faudrait des études et tout de suite et la voie qui va derrière et on n’en change plus sauf que les gens aspirent à autre chose.

Moi, c’était le cas. J’ai subi mon orientation, en fait, très influencée par mon père, pour le coup, au début de mes études. Ce n’est pas ce que je voulais faire, mais il me conseillait ça.

Je me suis dit qu’il avait sûrement raison. Et du coup, s’extraire un petit peu de ça en disant :  « au début, j’ai subi peut-être » et puis maintenant je sais ce que je veux – ou un peu plus ce que je veux et actuellement.

On développe tous des compétences. L’idée c’est vraiment pour moi de se connecter à sa nature en fait, à qui on est.

Vraiment, et encore une fois, je suis tellement convaincue que chacun-e a un magnifique potentiel. Donc si chacun était convaincu qu’il avait un magnifique potentiel et qu’il avait plein de belles choses à apporter, dans son environnement.

Il y a une citation que j’aime beaucoup – deux en fait. Je suis très citations. Il y a une citation de Steve Jobs, le fondateur d’Apple qui dit « La seule façon de faire du bon travail, c’est d’aimer ce que vous faites. » Il continue « Si vous n’avez pas trouvé, continuez à chercher. »

Et la deuxième, c’est d’Albert Einstein qui dit : « Tout le monde est un génie, mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il croira toute sa vie qu’il est stupide. » 

Et effectivement, moi, je disais souvent aux jeunes que j’accompagnais, que mon travail c’est de les aider à trouver l’environnement dans lequel il se sentirait bien. Donc ce petit poisson, effectivement, il se sent nul quand il grimpe, il se sent nul quand il essaie de voler, il se sent nul quand il essaie de courir. Et puis en fait c’est dans l’eau, son élément, qu’il peut exprimer tout son potentiel.

Quels sont ces éléments, justement ? Quel message vous donneriez à un jeune qui se sent perdu ?

Alors en fait, déjà, je le rassurais sur le fait qu’il est, pour moi, il est unique et magnifique. C’est vraiment un trésor. J’aime beaucoup cette expression. Donc ça, déjà, qu’il puisse être rassuré sur ça.

Deuxième chose, qu’il apprenne à s’écouter et se faire confiance parce qu’on a une intelligence à l’intérieur de nous qui nous guide et qui, quelque part, sait qui on est, ce qu’on veut et dans lesquels on va pouvoir déployer tout notre potentiel.

Et si besoin, troisième conseil : qu’il se fasse aider, accompagner, qu’il aille chercher les personnes qui peuvent l’aider. Un proche, un oncle, une tante qui est dynamique, qui aime son métier en demandant « Tu peux m’aider ? » ou aller voir un conseiller d’orientation si ça ne matche pas avec cette personne. On va chercher quelqu’un d’autre, ne pas rester soumis à une personne si ça ne marche pas. On cherche autre chose.

Donc, ce positionnement à la fois en tant que conducteur de sa vie et en tant que chercheur.

Et chercheur, on ne trouve pas de suite. C’est le principe du chercheur. Il fait plein d’essais et plein d’erreurs avant de trouver.

Alors, il nous reste quelques minutes. Est-ce que vous pouvez revenir sur l’accompagnement que vous proposez, à qui il s’adresse, et peut-être pas dire le prix, mais combien de temps ça dure, pour tous ceux qui sont attiré par votre approche d’orientation positive.

Alors, actuellement, moi, je n’accompagne plus. Donc, je ne fais pas ma propre promo. Mais  j’ai formé beaucoup de personnes. Je pense qu’à ce stage, j’ai formé entre 500 et 600 personnes. Là, je viens de faire mes 150 conseils d’orientation en Belgique, donc ça remonte aussi.

On a un site qui s’appelle l’orientation positive https://www.orientationpositive.org/

Dessus, j’ai référencé un certain nombre de coachs qui peuvent accompagner. Après, il y en a d’autres qui ont été formés.

En général, les accompagnements durent – dans une version très courte – pour les jeunes, entre 4 et 8 heures, avec une moyenne de 6 heures. C’est très court car les parents ont du mal à investir là-dedans, alors qu’ils pourraient donner de l’argent sur un psychologue une séance par mois, par semaine pendant longtemps. Mais c’est vrai que sur l’orientation, on est un petit peu « serré » là-dessus alors qu’on en a besoin

Mais voilà, pour être dans un compromis, souvent, c’est 6h en moyenne.

Pour les adultes, souvent, ça prend un petit peu plus de temps parce qu’il y a un peu plus de – quoique pas forcément, ça dépend – il y a un peu plus de freins peut-être aussi, ou de matière à explorer, mais ça peut aller très vite aussi.

J’ai des livres aussi : pour tous ceux qui nous écoutent et qui regarderaient et qui souhaiteraient juste revoir leur orientation de cette façon. C’est la version super économique.

Il y a un livre pour les collégiens actuellement qui s’appelle « 30 jours pour trouver ma voie et vivre mes rêves »

Un livre pour les lycéens qui s’appelle « Et si je trouvais enfin ce que je veux faire de ma vie ».

Et un dernier pour les adultes qui s’appelle « Comment serait le monde avec 8 milliards de vous ? » qui fait la palette de tous les domaines de vie, justement, pour avoir une vision globale. Donc là, du coup, ça coûte 16 euros, donc c’est assez raisonnable.

Et maintenant, juste un point sur les données – parce que j’ai écrit ces livres il y a longtemps. C’est juste que quand on a collecté les données, les bonnes données, derrière, on peut utiliser l’intelligence artificielle, pour demander quelles sont les meilleures pistes professionnelles pour ce profil. Et là, on arrive à des choses magnifiques.

En conclusion, est-ce que vous pouvez nous dire quels sont vos projets, vos initiatives qui vous tiennent à cœur en ce moment ?

Le projet personnel c’est moi ! De vraiment de me repositionner sur la prochaine étape de ma vie professionnelle et ce que j’ai envie de faire.

Régulièrement il faut quand même se poser du temps et actuellement ce qui me passionne, c’est vraiment à travers la méthodologie de l’orientation positive aider chacun à vraiment exprimer son potentiel. Actuellement, ce qui me passionne, c’est justement les freins. Donc c’est les peurs, les freins et aller là-dedans pour réussir à lever tous les freins qui empêchent cette autorisation personnelle.

Donc c’est ce qui m’anime actuellement.

Et après, globalement, en fil conducteur, c’est toujours la conscience collective, c’est-à-dire qu’on aide chacun à se sentir membre d’un collectif, prendre sa place dans la société.

Moi, je suis animée par l’idée qu’on prenne soin et qu’on respecte chaque forme de vie. L’orientation positive, c’est avant tout le respect et le soin apportés à la personne unique que l’on a en face de soi.

Un petit mot de conclusion ?

Je souhaite à tout le monde d’être vraiment très heureux, de pouvoir exprimer pleinement son cœur et sa personnalité au bénéfice de tous, tout en respectant son intégrité.

Merci à Isabelle Servant pour sa contribution.  

Résumé de l’interview : Isabelle Servant – L’Orientation Positive : “Aider chacun à trouver sa voie autrement”

Dans cet échange, Isabelle Servant revient sur la genèse de l’Orientation Positive, une approche qu’elle a créée pour aider chacun – jeunes, parents ou adultes en reconversion – à se reconnecter à soi avant de choisir un métier ou une voie.
Ancienne enseignante et formatrice, elle part du constat que le système éducatif valorise les compétences techniques et les résultats, mais oublie la connaissance de soi, la singularité et les forces de chaque individu.

Elle explique que la première richesse de chacun, c’est d’être unique.
L’orientation ne devrait plus être vécue comme une sélection ou une contrainte, mais comme une exploration personnelle : apprendre à se connaître, à identifier ses envies, ses valeurs, ses sources d’énergie et de joie.
C’est ce qu’elle appelle “trouver sa voie autrement” — non pas en répondant à ce que la société attend, mais en cherchant ce qui fait sens et plaisir.

Isabelle insiste aussi sur l’importance de :

  • la conscience de soi et de ses forces dominantes ;
  • la conscience collective, pour redonner du sens au travail et à la contribution au monde ;
  • l’autorisation personnelle, pour oser exprimer son potentiel.

Elle évoque la richesse de la différence, la diversité des rythmes d’évolution, et la nécessité de repenser l’éducation et l’orientation autour d’une question essentielle :
Qui es-tu vraiment, et qu’as-tu envie d’apporter à la société ?

Enfin, elle partage des conseils concrets pour ceux qui se sentent perdus ou en reconversion : apprendre à s’écouter, se faire confiance, s’autoriser à oser, et surtout comprendre qu’on ne trouve pas sa voie, on la crée.

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