
Premier jour à ton boulot, machine à café. Tes collègues ? Ils ont monté les échelons, changé de région ou reconverti une fois. Toi ? Tu as plus de lignes sur le CV en 10 ans qu’eux en une carrière. Selon une étude du Céreq (Centre d’études et de recherche sur les qualifications), « 2 millions d’actifs auraient changé de métier ces 5 dernières années ».
Se reconvertir plusieurs fois, c’est grave docteur ? Pourquoi c’est suspect ? Comment l’assumer et le valoriser ? Si toi aussi tu envisages une nouvelle reconversion et veut assumer pleinement ton profil multi-revonverti-e, à la machine à café ou en entretien, lis ça !
1. Se reconvertir une fois, c’est valorisé. Plusieurs fois, c’est suspect ?
Quand on me parle d’une expérience pro, il faut se méfier, car je l’ai peut-être déjà testée. Je me souviens encore d’un DRH pour un poste dans l’Est, étonné des 2 « domaines » dans lesquels j’avais travaillé, qui pour lui étaient très différents : il ne savait visiblement pas dans quelle « case » me mettre. Pourtant, mes expériences à l’époque étaient bien liées à un même diplôme, en urbanisme.
J’ai plaisir à imaginer sa tête s’il voyait mon CV « in extenso » à l’heure actuelle…Je cumule 30 postes environ dans 5 domaines bien différents.
Pourtant, les statistiques passent ce phénomène totalement sous les radars et n’en parlent pas. Serai-je un zèbre ? Un caméléon ? La seule à m’être reconvertie plusieurs fois ? Je ne crois pas.
Tout d’abord, soyons clairs : une reconversion professionnelle, c’est un vrai virage. Une juriste qui devient psychologue, par exemple. Un militaire qui devient professeur des écoles. Pas un technicien qui devient chef d’équipe car il monte en grade. Rien à voir.
On nous parle régulièrement de reconversion professionnelle dans la presse, les blog..2 millions d’actifs auraient changé de métier ces cinq dernières années (étude du Céreq de 2022 disponible sur https://www.cereq.fr/sites/default/files/2022-02/Bref418-web.pdf)
En l’envisageant toujours avec un biais cognitif : la reconversion “ultime”, la seule, celle qui permet enfin de s’épanouir. Comme si elle avait vocation à être unique. Gravée dans le marbre. Une seule fois. Qui a dit que c’était une loi ?
En réalité, nos parcours sont souvent plus chaotiques (et plus riches) que ce que LinkedIn veut nous faire croire. Ou que ce que l’on indique sur un CV pour postuler à une offre.
Ceux qui franchissent le pas une fois, c’est valorisé. Ils ont pris un risque, réalisé un rêve (une ferme dans le Larzac…), été contre leur entourage parfois (« En fait papa maman, je ne voulais pas être avocate, je lâche mon job pour faire humoriste. » Voilà ce qu’a peut-être dit Caroline Vigneaux.) Et regardez comme ils sont épanouis ! Leur exemple est cité, leur réussite valorisée. Comme un sportif qui devient champion olympique.
Toi ? Tu es comme le geek suspect de la classe, avec qui personne n’ose s’afficher. Ton crime ? T’être reconverti plusieurs fois. Comme ces enfants hyperactifs, accros aux débuts, qui changent de sport à chaque rentrée. On te regarde de haut, en se demandant quel est ton problème. Sans chercher vraiment à comprendre. Flemme. Alors on te laisse dans la case « suspect », sujet explosif. Peur de la contamination ?
2. Se reconvertir plusieurs fois, c’est grave docteur ? Lucidité, besoins réels, évolution personnelle.
Alors pourquoi ai-je bravé la vindicte populaire, mon entourage, les DRH pour me reconvertir plusieurs fois ? Quelle folie m’a pris de le faire plusieurs fois ? A défaut d’étude sur le phénomène, je peux tenter quelques explications.
Le travail, c’est comme une histoire d’amour. Parfois, on trouve le « bon » du premier coup, il nous fait vibrer toute la vie. Youpi ! Et parfois … Faut se rendre à l’évidence, on s’est trompé. Le divorce est consommé. On a eu beau changer de poste, de missions, de boîte, vraiment, on a fait le tour de ce domaine. La flamme n’est plus là, le bien-être peut-être aussi, on ne voit plus que le négatif, on traine des pieds chaque matin, on s’ennuie (bore out) ou on frôle l’explosion (burn-out). Il est temps de divorcer et passer à autre chose. Même si ça fait mal. Même si on y a investi beaucoup de temps, d’énergie, qu’on nous envie peut-être, il est temps de tourner la page. Ou on a eu un déclic. Kiffé grave un domaine.
Lorsque ça se répète, ce n’est pas par instabilité, mais plutôt par cohérence intérieure. Parce que la première fois que tu t’es orienté dans le système scolaire, tu étais jeune. On t’as mis – ou pas – la pression. Ecoutes-tu toujours la même musique exactement qu’ado ? J’en doute. Tu as peut-être découvert d’autres trucs. Ou tu les aimes plus du tout – mon Dieu quelle horreur ! D’où une première reconversion.
Puis de nouveaux métiers sont apparus. Tu es devenu parent. Déménagé peut-être. Dans une région où ton métier n’embauche pas, ou peu, ou mal payé. Où faire garder ton enfant coûte cher. Tu es isolé. Tu as d’autres contraintes que tu ne pouvais pas prévoir, incompatibles avec ce métier. Ou il évolue vite, trop vite pour toi, ou dans un sens qui ne te plait pas (ah, les fameux clients…ou les normes réglementaires). Tu as sous-estimé certaines contraintes (les déplacements, le peu de postes à responsabilités…), été optimiste sur d’autres (mon dos est en béton !…). Alors, tu te reconvertis à nouveau.
Comment ça, encore ?
3. Comment l’assumer et le valoriser : CV, entretiens, confiance
Tu l’as compris, pour quelqu’un qui n’a pas ton parcours (papy mamie, tes voisins, le DRH, le collègue..) tu risques de passer pour une girouette et de lui faire lever les yeux au ciel ou le faire dormir en récitant ton CV sans oubli, hein !
En vrai ? Tu es quelqu’un d’incroyablement adaptable et courageux. Tu n’as pas eu peur de te former, encore et encore. D’apprendre de tes erreurs. Sur toi. Sur le monde du travail. Pour t’y adapter. Un vrai couteau suisse, bardé de soft skills (l’écoute, l’autonomie ou l’esprit d’équipe,…)! CA, c’est tendance. Et tu l’étais avant que ça le soit. Précurseur-e, donc.
Alors comment l’assumer et le valoriser ?
Sur ton CV :
· Ne garde que les expériences pertinentes pour le poste visé, comme toujours ;
· n’hésite pas à rebaptiser tes expériences pour montrer en quoi elles sont pertinentes pour le poste proposé, que le recruteur puisse voir en un clin d’œil, avec tes titres, ce que tu as fait ;
· met l’objectif de chaque poste et les résultats obtenus ;
· présente-toi avec 3 compétences clés sous le titre du CV ;
· rédige une intro qui valorise ton parcours en traçant un fil rouge.
En entretien :
· explique ce qui t’a amené à te reconvertir,
· réapproprie-toi ton chemin pour tracer un fil rouge (l’humain, les sciences, …)
· fais le parallèle entre les compétences attendues et ton vécu, pour montrer la cohérence de ton parcours et de ta candidature, tes compétences transférables et transversales
· rien ne te fais peur, tu es adaptable, tu l’as maintes fois prouvé ;
Ton parcours est la preuve que tu ne pantoufles pas et fais en sorte de rester motivé-e et à jour des outils et compétences d’un métier, et ça, c’est hyper important pour rassurer le recruteur sur ton avenir dans son entreprise !
Enfin, prépare un pitch de 1 min (le fameux pitch de l’ascenseur: ) pour être sûr que ce soit fluide le jour J. L’idée ? T’imaginer avec un recruteur dans un ascenseur, le temps de monter quelques étages. Comment te présenterais-tu et mettrais-tu en valeur ton parcours en 1 minute chrono ? Pas pour le connaître par cœur comme tes poésies en primaire, mais pour que ce soit fluide et ne pas hésiter sur la fameuse première question « Présentez-vous ».
Alors, se reconvertir plusieurs fois, c’est grave docteur ?
Non, si tu sais l’emballer pour montrer un fil conducteur, que tu as appris énormément de ton parcours avec une évolution professionnelle comme personnelle, des soft skills en pagaille, et une motivation toujours au top !
La reconversion n’est pas un défaut, c’est une force. Et demain, peut-être que ce sera la norme. Alors, prêt-e à écrire ton prochain chapitre ?