Les chômeurs, tous feignants !

Dimanche en famille, la conversation glisse sur l’actualité. Le gouvernement a décidé, une fois de plus, de durcir les conditions d’indemnisation du chômage. Pour forcer tous ces feignants de chômeurs à trouver un travail. Et toute la tablée d’acquiescer, pendant que toi tu fais profil bas, inscrit à France Travail depuis 6 mois.

Les chômeurs, tous feignants !
C’est ce qu’on entend à la machine à café, dans les repas de famille, ou sur les plateaux télé.
Une phrase balancée comme une vérité générale, alors qu’elle ne raconte rien du réel.
Parce que la réalité, je la connais : derrière le mot “chômage”, il y a des vies qui jonglent, qui comptent, qui s’épuisent.

Et si les vrais feignants n’étaient pas ceux qu’on croit ?

  1. Chômeur : feignant ou funambule ?

C’est ceux qui s’y connaissent le moins qui en parlent le plus. Avec plein de clichés. Le chômage ? ils ont à peine eu le temps de faire les papiers, il y a 10 ans, qu’ils ont trouvé un CDI. Juste le temps d’avoir des petites vacances. Les mêmes croient qu’un chômeur est payé à rien faire, et grassement, et longtemps – ils connaissent tous quelqu’un qui …

La réalité est bien moins rose. Quand tu es inscrit à France Travail, tu dois t’actualiser tous les mois, te rendre aux rendez-vous demandés par ton conseiller – selon ton profil, ce n’est pas obligatoire.

Tes journées ? De vraies vacances : 1 à 4 heures intensives de recherche d’offres, de candidatures, avec des questionnaires et vidéos à faire qui peuvent te prendre entre 30 min et 3 jours pour faire une candidature et passer le premier barrage (c’est du vécu), quand tu ne te retrouves pas à parler anglais à une IA…Fini le temps où un CV et une LM suffisait ! Les RH jouent la modernité, compressent le personnel, et ont délégué aux IA un premier tri féroce.

Tu attends désespérément une réponse autre qu’automatique à tes candidatures – quand il y en a une. Lorsque tu relances une « vraie » personne ? Le désert. Allô ? A quand une loi pour obliger l’employeur à un minimum de respect et de feed-back – pourquoi ne suis-je pas retenue, en vrai, et sans langue de bois.

Ton entourage, malgré sa bienveillance, va remuer régulièrement le couteau dans la plaie en te demandant où tu en es de tes recherches.

Tu as l’angoisse du trou dans le CV pour la suite. Comment vas-tu camoufler tes X mois de chômage ?

Tu peux aussi être inscrit à France travail ET travailler, si si, et ça beaucoup l’oublient. Avoir un poste à temps partiel comme temps plein, ou une micro-entreprise qui ne rapporte pas assez mais t’occupes énormément d’heures, et en même temps chercher un emploi mieux payé, être travailleur et chômeur donc.

Tu es constamment dans l’insécurité financière : tu sais jusqu’à quand tu peux toucher le chômage – quoique, le nombre de jours restant t’obliges à faire de savants calculs, sachant qu’il est repoussé à chaque fois que tu retravailles, même quelques jours – mais tu ne sais pas quand, où, et pour combien de temps tu vas retrouver du travail.

Cerise sur le cupcake, tu dois pouvoir justifier ta recherche d’emploi en cas de contrôle aléatoire. Et si tu ne trouves pas assez vite, tu passes au RSA.

De vraies vacances de rêve aux frais de la princesse, hein ?

👉 Lire aussi :  https://www.apprentiboss.fr/cv-erreurs-frequentes/

  • Arrêts bidon : la facture invisible

A côté de ça, les médias parle beaucoup moins des arrêts maladie à répétition. De complaisance. Un ongle retourné ? 15 jours d’arrêt – véridique. Des absences qui tombent “par hasard” au même moment chaque année. De ceux qui prennent une semaine pour un rhume. Ou les enchainent sur du plus long terme, par période de 2 semaines à 1 mois.

La faute au système qui impose de revoir régulièrement le malade.

Le problème ? ils mettent l’entreprise dans l’insécurité : recruter un remplaçant ou pas ? pour combien de temps ? quel type de contrat ? sachant que l’intérim est une solution souple mais onéreuse pour eux.

Pendant que la personne en arrêt continue d’être payée, elle valide aussi ses droits, parfois même ses trimestres retraite. Le chômeur, lui, n’accumule rien, doit justifier en permanence ses démarches, et reste en mode survie. Qui est vraiment le feignant ?

Ce qui ne l’empêchera pas de mettre X mois/années en tant que Y chez Z sur son CV, alors qu’en réalité il/elle a passé 6 mois etc en arrêt de travail…

La boîte se retrouve à payer deux personnes pour un poste : qui est le vrai perdant ?

Alors pourquoi ces arrêts s’enchaînent-ils ? Parce que certains salariés sont épuisés. Parce qu’il est plus simple de poser un arrêt que de risquer un bras de fer avec l’employeur. Et parce que démissionner, ça veut dire perdre ses droits.

Peut-être tout simplement parce que c’est autorisé. Parce qu’ils ont un différend avec l’entreprise/la société qu’ils ne savent pas exprimer autrement. La trouille de changer de poste.

Mais besoin d’argent, bien sûr. Alors certains préfèrent se cacher derrière un arrêt de travail.

Et du côté médical ? Les médecins sont pris entre deux feux : la souffrance réelle des salariés d’un côté, les contraintes des caisses et des employeurs de l’autre. Officiellement, les contrôles et les procédures se sont durcis. Mais dans les faits, des failles persistent.

👉 Source DARES sur arrêts maladie : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/les-absences-au-travail-des-salaries-pour-raisons-de-sante-un-role-important

  • Survivre n’est pas fainéanter

Ce décalage dit quelque chose d’un changement plus large : hier, on se sacrifiait pour “tenir” son CDI, aujourd’hui certains refusent de s’épuiser pour rien. Ce n’est pas de la paresse, c’est un refus de servir de variable d’ajustement. Et c’est peut-être ça, la vraie rupture à venir.

Le chômage comme l’arrêt de travail sont deux périodes qu’on peut mettre à profit pour s’interroger sur sa carrière. Mais elles n’ont pas les mêmes conséquences.
👉 Au chômage, vous êtes dans la pression permanente : actualiser son dossier, répondre aux contrôles, chercher, candidater, relancer. Chaque jour ressemble à un sprint, et vous êtes en mode survie.
👉 En arrêt de travail, la logique est différente : vous êtes payé, protégé, parfois même encouragé à “prendre le temps de souffler”. Loin de moi l’idée de nier la réalité de la maladie ou de la souffrance au travail. Mais il y a aussi des abus, et c’est ce double visage qui choque.

Ce décalage influe sur les trajectoires. Le chômeur, lui, doit justifier chaque trou dans son CV, maquiller des mois entiers pour rester crédible face à un recruteur. La personne en arrêt, elle, continue d’accumuler ses droits, parfois jusqu’à valider des trimestres de retraite sans être sur le terrain. Deux réalités très différentes, mais un même mot qui revient sans cesse dans les débats : “feignants”.

En réalité, les chômeurs bossent à survivre. Les feignants, ce sont ceux qui multiplient les arrêts de complaisance, transformant la protection en confort personnel.

On tape sur les chômeurs, on caresse les arrêts. Mais survivre n’est pas fainéanter.

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