Choc des générations au travail : comment je gère les frictions (et pourquoi c’est pas moi le problème)

🔹 1. Du paradis à l’enfer
J’avais vu une publicité sur Instagram. Une de ces pubs comme on en voit souvent, selon nos navigations, qui me proposait de postuler à un poste d’ambassadrice pour des soirées. Une entreprise Suisse qui s’implantait en France. Je ne connaissais pas, mais je ne suis pas timide, je connais le milieu, j’étais en recherche d’activités complémentaires, alors, forcément, je postule. J’envoie mon CV.
Dès le lendemain, je reçois un mail, avec une proposition de date pour un entretien avec le patron. Le dirigeant est visiblement dans son salon, en mode décontracté : il fume sa vapote pendant l’échange. …
La conversation est agréable, le job semble simple sur le papier : trouver des lieux qui puissent accueillir un groupe pour organiser deux soirées par mois, négocier les tarifs avec l’établissement, réserver une partie du lieu, être présente toute la soirée pour que chacun se sente accueilli, à l’aise, veiller à la bonne ambiance de la soirée en discutant avec chacun. Paiement le jour J, et il paie directement à l’établissement. Pas de contrat de travail. Je garde mon statut de micro-entreprise, et fais mes factures.
Il valide ma candidature dès la fin de l’entretien. La mission commence. Je cherche des établissements pour les soirées. Un travail de longue haleine lorsque le timing est court, le cahier des charges particulier, la boite pas connue donc pas de confiance établie. Je dois me rendre sur place pour valider les lieux. Les patrons sont le plus souvent peu réactifs – ils ne lisent pas leurs mails, ne répondent pas sous 48h- ce qui fait perdre un temps fou en relance.
Passé la première soirée, je suis informée – par mail – que l’entreprise se développe, qu’il y a des changements organisationnels. Le patron a délégué à des jeunes, sortis d’école apparemment. Je vais vite en payer les conséquences.
Côté « client » (les établissements), très vite, je prends conscience que les conditions de l’organisateur que je représente – non négociables – peuvent refroidir certains établissements. Il demande à ce que l’établissement n’ait pas d’acompte, alors que la boite débarque et n’a aucune notoriété. Les tarifs sont assez juste pour la prestation demandée. Surtout, le nombre de participants et de fait la soirée n’est confirmée que 48 h avant. Plusieurs fois, je démarche des établissements des heures pour au final me retrouver à annuler au dernier moment, tout en ménageant la relation, au cas où j’aurais besoin une autre fois. Ils ne sont pas capables de faire assez de pub pour remplir les soirées, et je paie les pots cassés, côté établissement comme participants…
J’ai même dû avancer un paiement à un établissement le jour J sous peine d’annulation de la soirée car le RIB ne passait pas alors qu’il était bon, c’est une erreur de leur banque…
On me retire une ville en organisation, puis on me la remet. J’apprends des éléments par les participants. L’organisation est floue, il est difficile de vraiment savoir qui fait quoi, qui est responsable. Peu de personnes, mais déjà trop d’intermédiaires. Jamais d’excuse, de concertation. Je suis en première ligne, avec les établissements et participants, et eux à l’abri derrière leurs bureaux. Toute remarque est négligée, prise comme une tentative d’ordre au lieu d’u fameux « cadre chill ».
Le monde du digital, censé être « cool », est visiblement celui des faux-semblants, des attaques larvées derrière les mails faussement gentils (Hello ! Belle journée à toi…)
On nous sort des briefs de soirée qui sont bonnet blanc et blanc bonnet, pour au final les lâcher deux semaines plus tard. Pourquoi ? Mystère ? Qui a décidé ? On nous emballe un manque de cadre en « nouvelle autonomie de décision ». Sous prétexte de nous offrir plus d’autonomie dans la gestion de notre calendrier et de simplifier au maximum l’organisation de nos événements, les demoiselles ne font plus rien, et nous les ambassadrices, encore plus : choix du lieu mais aussi de l’activité, de la date, de l’âge des participants. Notre prestation est-elle revalorisée ? Non. Par contre leurs tarifs augmentent pour leurs participants.
Lorsque je fais la moindre remarque sur l’organisation, la hausse de tarifs, les annulations, on m’envoie gentiment paitre. Je passe pour la relou de service.
Le problème n’est pas la jeunesse. C’est l’absence de cadre, de transmission, et de conscience professionnelle.
Quand un responsable se désengage et laisse la gestion à des profils trop juniors sans contrôle : prépare-toi à devoir gérer l’amateurisme des autres… tout en devant rester pro. Spoiler : c’est injuste. Et non, ce n’est pas à toi de rattraper ça.
🔹 2. Des profils différents… qui ne se comprennent pas
A. Les gen Z & leurs paradoxes …
La gen Z, ou zoomer, regroupe les personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010. Ils n’ont connu que les téléphones portables puis smartphones, le streaming, internet, les réseaux sociaux. Forcément, la plupart sont à l’aise avec les réseaux sociaux, consomme des heures de vidéo chaque jour, poste sa vie sur les plate-formes, commente.
Ils pensent que c’est leur heure, leur moment, les dents qui rayent le plancher d’ambition en sortant de leurs Master et autres écoles. Ils croient tout savoir, mais ont tout à apprendre. Leurs quelques stages ne leur ont pas appris tous les soft skills indispensables, non. Comme celui d’être organisé, assertif, fiable, faire participer les équipes aux décisions, être constant dans l’effort et réactif.
Ils veulent de bonnes conditions de travail, du sens… mais ne font rien pour mériter vraiment leur poste, et fuient à la moindre difficulté.
Le cadre « chill » ? Ils y croient dur comme fer. Pourtant, ce n’est qu’un flou total peinturé en cool attitude — avec des conséquences bien réelles sur le management, l’organisation et la performance des boîtes.
Et ça, c’est un souci pour manager.
B. Profils expérimentés
La génération X, née entre 1965 et 1980. La génération Y, née entre 1980 et 2000. Notre point commun ? l’expérience. Savoir ce qu’on veut, ce qu’on vaut, au travail.
Nous voulons des missions claires, définies, un cadre, de la clarté avec de l’autonomie réelle et un respect des rôles.
Nous savons organiser, anticiper, délivrer. Des compétences inestimables, indispensables, dans chaque organisation.
On a appris dans les études … et sur le terrain, beaucoup. Car chaque poste est un grand saut qui nous a forgés. On a appris à s’adapter – au PC, au smartphone, aux Powerpoint, à Excel, aux agendas partagés, à Internet, aux réseaux internes, externes, retenu quelques leçons inestimables pour survivre en entreprise, et choisir le poste qui est aligné, qui respecte notre équilibre vie pro-vie perso. Mais on ne tolère pas l’incompétence.
Les jeunes nous prennent pour des “boomer relous” alors que nous ne faisons que demander des consignes, un suivi et des validations claires. Nous, lorsqu’on communique, c’est pour de vrai, pas que derrière un écran.
🔹 3. Dans les coulisses : 2 missions, 2 clashs
- Chez KL, en tant qu’ambassadrice, j’ai eu des infos contradictoires, des consignes qui changent d’un jour à l’autre, des juniors qui ne géraient pas, mal, et moi qui essuie les plâtres, qui rattrape tout. J’ai exprimé mes limites aux managers, indiqué clairement ce que je ne tolérerais pas deux fois, sans drama, mais avec une vraie intention, et prête à partir si je n’ étais pas entendue.
- Chez TB, j’ai vu un stagiaire rater la moitié des réunions, commencer son stage avec deux semaines de retard car il n’a pas anticipé sa recherche de logement – je rêve , qui a mis encore deux semaines de plus pour faire une seule vidéo Tiktok quand je produisais trois articles de blog à 1 200 mots par semaine ainsi que 3 publications par semaine aussi pour deux réseaux sociaux différents, et au final il est parti en se plaignant de ne pas être payé, sans avertir celle sur qui son absence de travail retombe- moi- alors qu’on ne l’a pas pris en traitre, c’était le deal sur l’annonce (stage non rémunéré).
- Et c’est moi qui passe pour la méchante parce que j’ai de l’exigence – si j’étais son manager je n’aurais jamais toléré son attitude – et une conscience professionnelle. J’avais choisi ce stage en conscience, je n’ai pas quitté le navire malgré le mauvais management, le mauvais cadre. Mais son attitude m’a insupporté au plus haut point.
🔹 4. Ce que ça révèle du monde du travail aujourd’hui
Ces expériences ne sont pas isolées. Elles sont le reflet d’un dysfonctionnement plus large, d’un monde du travail en tension entre générations, valeurs, et priorités. Où l’on constate :
- Une déconnexion entre les attentes et la réalité du terrain : une hiérarchie à l’abri dans les bureaux, qui manage à l’ancienne quel que soit son âge, en imposant sans concertation, et sans écoute du feedback sur le terrain, des conséquences ;
- Un manque de transmission des codes : ponctualité, validation, pilotage ; une génération qui sous prétexte de chercher le sens oublie les bases du travail bien fait ;
- Une confusion entre “liberté” et “absence de cadre” : l’autonomie n’est pas l’absence de cadre, c’est au contraire un cadre bâti dans la concertation et la confiance.
🔹 5. Comment j’ai appris à gérer ça (et poser mes limites)
Ce que ces expériences m’ont appris ?
- Être claire dans ce que je tolère (et ne tolère plus) ;
- Rétablir les bases : brief, validation, deadline, feedback ;
- Dire stop à la surcharge mentale liée au sauvetage d’équipe mal cadrée.
- Partir si je ne me sens pas respectée, alignée, si le cadre ne me convient pas
🔹 6. Conclusion : Travailler ensemble, oui. Mais pas sans règles.
Je crois à la collaboration intergénérationnelle.
Nous sommes tous capables de nous écouter, nous comprendre, pour parvenir à un but commun, qui va dans le sens du développement de l’entreprise. Ce n’est pas une question d’âge, mais de savoir-vivre, de soft skill.
Mais ce n’est pas toujours aux mêmes de structurer, de rattraper les erreurs et d’expliquer les bases.
Le respect, ce n’est pas une affaire d’âge. C’est une affaire de cadre, de clarté… et de réciprocité.